Dis-moi. Dis-moi pourquoi ils ont fait ça ? Raconte-moi seulement. Explique-moi l'horreur. Décris-moi la souffrance. Parle-moi du passé. Je t'en prie. Parle-moi-en, que je comprenne. J'ai besoin de savoir. Qui suis-je ?

Elle le regardait de cet air apeuré. Deux yeux grands ouverts. Deux puits dans lesquels il pouvait lire toute l’horreur de l’histoire. Mais il ne savait pas. Elle était en train de s’éteindre, là, dans ses bras. L’impuissance le tiraillait. Il se contenta de la regarder partir, se murant dans un silence lourd. Lourd de regrets. Lourd de tristesse. Lourd de sentiment.

Adieu Aleksha. Et ses yeux se fermèrent. Elle ne saurait jamais. Elle ne comprendrait jamais ce qui avait causé sa perte. Lui non plus, ne comprendrait jamais. Mais le futur était devant. Et il se devait de regarder l’avenir. Le monde l’attendait. Il reposa délicatement la tête de la jeune femme sur le sol boueux et déposa un dernier baiser sur son front. Adieu ma belle.

Il se rappelle le jour où l’annonce fut prononcée. 2151. 15 juin 2151. L'Union des pays Asiatiques entre en guerre contre les Etats Unis. La guerre ultime. Celle qui scella le destin de l’humanité. A jamais. La bombe biologique fut larguée et l’épidémie toucha le monde entier en moins d’un mois. Rapidement la race humaine fut décimée. Il s’en souvient. Comme si c’était hier. Pourquoi diable la maladie l’a-t-elle épargné ? Pourquoi diable n’est-il pas mort comme tous les autres ? Les savants survivants appelèrent ça l’effet E-1569. Il parait que ça vient d’une malformation génétique. Une résistance accrue à ce virus. Une malformation qui sauva une partie de l’humanité.

Il se rappelle le jour où il entendit le signal. Survivants du monde, les côtes de la Mer Noire vous attendent. Sotchi est à vous. Il s’y était rendu dans un élan d’espoir. Il voulait des réponses. Il voulait de la compagnie. Ils étaient plusieurs à s’être déplacés. Et il avait pris la parole. Il s’était présenté en leader. Il avait su convaincre les foules.

Il se rappelle le jour où il est devenu le Père Protecteur.
Il se rappelle le jour où cette ville s’est élevée du ciel, plus protectrice que jamais.
Il se rappelle de sa fierté.
Il se rappelle de cet homme. Matricule 192. Celui qui s’opposa à ses paroles. Celui qui s’en alla et monta un réseau de résistance.
Et aujourd’hui. Aujourd’hui, il attend de pouvoir éradiquer ce réseau. Il sait que c’en est devenu nécessaire. Pour la survie de la ville. Pour la survie de l’humanité. Pour sa survie.